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Illustrations de Passage des Ombres

 

 

PASSAGE DES OMBRES

d'Alain Freixe

2011

 

D'après le poème "Les Yeux" de Sully Prudhomme

 

L'édition totale de ce portfolio comprend:

-20 exemplaires numérotés de 1 à 20 sur 20

-20 exemplaires d'artiste numérotés EA

-10 hors commerce

 

Chaque exemplaire est illustré de 5 monotypes originaux, tous signés par l'artiste.

Il est, en outre, numéroté et signé par l'artiste et l'éditeur.

Edité par La Diane Française, Nice.

 

EXTRAITS

 

« M fait apparaître des visages. Des visages sans corps. Des corps sans visage. Des masques tirés de l’ombre, Des formes que le jour dans sa montée chantourne.
M fait revenir la mort. Arrache à la mort des visages, des âmes, ces mélodies renouées. »


 

« Tremblements obscurs, passages d’ombre, brumes furtives, sombres parages. J’aime cette façon blessée de porter le temps. De laisser des traces : contact et retrait ; absence et présence ; apparition et disparition. Profils et contours indécis. Sans monde sous les voûtes. Elles flottent, comme suspendues entre les battants d’une porte, prises sur le seuil. »

 

« Ceux qui meurent ne sont pas sans laisser derrière eux des marques de leur passage – traces, vestiges, images, signes laissés aux vivants que nous sommes. Entre les vivants et les morts, c’est comme si s’étendait une contrée étrangère, inquiétante où ces signes seraient déposés. Abandonnés. C’est là que va M. »

 

« Muriel ne peint pas pour se souvenir mais plutôt pour faire entrer dans l’oubli. Pour se détacher du temps et de son fil. Ses monotypes ne sont pas à parcourir comme quelque palais de mémoire où tout se serait maintenu intact et exact mais à lire comme des fictions de l’oubli, des tableaux évidés, en manque de centre, un passé en ruines, un labyrinthe."

 

« Ses monotypes sont tout habillés de culture : références aux portraits du Fayoum, aux Moires grecques ou aux Parques latines ou encore aux Nornes des cosmogonies nordiques, mots, souvenirs, à l’architecture des cathédrales gothiques, à l’atmosphère sulfureuse des romans noirs du romantisme anglais, aux gisants, aux suaires et autres voiles, grands manteaux noirs à capuche. Les estampes de Muriel font avec tout cela, le montent et le déchirent. »

 

« M a-t-elle passé un pacte avec la nuit ? Ses êtres sont nocturnes. Elle sait laisser venir la pénombre. Descendre les ombres du soir. Demi-jour où le décor se « floute », où le silence prend possession des lieux. L’obscur tend un voile derrière les images. Une étrange douceur se diffuse dans les images de M. Un enchantement. Tout semble en sommeil. Comme endormi. Calmé. Délié.
Ce qui ici voile ouvre nos yeux.
Ici, l’obscur ne dissout pas les formes mais il les rêve plutôt. Les contours nets et ceux déjà estompés palpitent ensemble. »


 

« Les ombres, leurs manteaux de brume, semblent s’enfoncer sans s’y perdre dans les profondeurs d’un cœur de basilique. Ombres humaines qui bégaient, balbutient à la recherche de leur corps, de leur visage.
Nous sommes au pays des « sembles ».
Les sembles, mot inventé par le poète anglais Coleridge, mot d’enfant pour désigner les fantômes, les images, les rêves et les reflets, bref tout ce qui n’est pas. Et qui est pourtant. »


 

« Modulations, variations. Donner corps à des ombres, épaisseur à des gouffres. Silence assourdissant. Peut-être que dans les monotypes de Muriel nous sommes passés de l’autre côté. Au-delà de l’effacement, de l’ultime remous. Pour que cet autre côté nous devienne visible, il faut qu’il fasse surface à nos yeux. Que passe le fantôme. »

 

« Les estampages de M sont des images lointaines d’êtres sans image. Les images de visages scannées, dupliquées ne permettent aucune identification, ne donnent prise à aucun souvenir. Elles scellent l’absence. Elles sont lieu offert à sa béance. Leur présent ne compte plus : photos anonymes, photos dérisoires prises dans une étrangeté légèrement inquiétante.
Visages dépouillés de leur chair, le corps de présence. Subsistent les traits, traces. Nul saisissement mais au contraire un dessaisissement, un éloignement, un effacement.
Grâce à l’intégration de ces images à l’espace pictural, manipulations diverses, montage, transfert, elles sont renvoyées à leur statut de traces lointaines, indices d’une absence, à un autre espace, un autre temps, celui du tombeau. Ce sont des tombeaux que peint M, qu’elle a estampés. Loin que l’image fasse revenir un absent, elle éloigne, aide à partir l’absent conférant à l’absence une absolue profondeur. Et c’est celle du temps.
L’empreinte est une « présence sans présent », trace de rien. »


 

« Auratiques, les monotypes de M ont le pouvoir de nous faire lever les yeux ! Pouvoir d’interruption. Pouvoir de déchirure.
(………)Ainsi les trois formes noires de M qui nous font face n’ont pas besoin de se montrer, de montrer leurs traits pour que leur distance nous affecte. Le regard que nous leur portons fait en quelque sorte retour. Il nous revient en fantôme, souffle qui passe et dont les vibrations nous renversent. Dans le ton. Ces estampes sont elles-mêmes des images-fantômes. Résultat d’une collision en elles d’un ici et d’un ailleurs, d’un proche et d’un lointain, d’un contact et d’une absence. De là leur rapport au temps, cette puissance des dormances. De ces choses parties au loin mais qui demeurent devant nous et qui peuvent nous faire signe de toute leur absence. »
 

 

« Alors ces yeux qui « dorment au fond des tombeaux » attendent. Ils sont comme en dormance, comme on le dit de ces graines qui conservent longtemps sous terre leur pouvoir de germination
Hier est encore sous la terre. « Hier n’est pas encore venu » disait Mandelstam. Hier, ce sont des dormances. Dans hier il y a aujourd’hui, de cela s’occupe M.
Ce que le temps n’a pas effacé et qui jamais ne s’effacera du temps. Ce sont ces dormances que M éveille. (………..) M est une éveilleuse. Elle montre dans ses monotypes que le passé demeure inachevé.
Ces visages venus d’hier, ce corps de femme, ces écritures continuent d’être là comme en terre étrangère. »

                                 

                                                                                                                       Alain Freixe
 

 

 

 

« Ses monotypes sont tout habillés de culture : références aux portraits du Fayoum, aux Moires grecques ou aux Parques latin